par Henri Verdier & Charles Murciano
Cet article interroge l’actualité intellectuelle et légale des communs. Plus précisément, notre travail explore la notion de commun numérique (ou informationnel) et ses spécificités au regard du concept classique de communs en théorie économique. Les communs numériques désignent les nouveaux modes d’administration d’une ressource informationnelle par une communauté, qui sont permis par les technologies de l’information et de la communication. Ils constituent un mode de partage de ressources socialement valorisées. Les économistes s’accordent sur une conception classique des biens communs, désignant une ressource rivale et non-exclusive. Les communs numériques étant immatériels, cette définition est insatisfaisante. En outre, les travaux d’Elinor Ostrom ont souligné la dualité des communs, à la fois ressource exploitée en commun et régime de droits de propriété dérogeant au paradigme de la propriété privée. Notre article spécifie ainsi cette ambivalence à l’ère numérique. L’examen attentif d’exemples de communs numériques promus par l’Etat permet d’expliciter la logique contributive à l’oeuvre dans ces communs. Nous soutenons que cette logique autorise une nouvelle forme d’action publique. Alliée à la « multitude », en promouvant et en encadrant les communs, la puissance publique pourrait s’armer contre l’hégémonie croissante de grandes plateformes monopolistiques, dont les logiques s’opposent de plus en plus à celles des Etats.